
Exposition
2003 - 2008
LE TEMPS DES HÉRITAGES
" En réalité, dans le mouvement de l’Histoire, ces artistes sont des archétypes."
Abl al Malik, 2010
Le débat sur l’immigration et la France pluriculturelle s’intensifient au début du XXIe siècle ; les enjeux de la diversité, politisés à outrance, exacerbent le ressenti des deuxième et troisième générations qui subissent des discriminations de plus en plus visibles. Dans ce contexte, les domaines artistiques restent des espaces d’expression privilégiés et les présences issues de toutes les vagues migratoires ou des régions ultramarines n’ont jamais été aussi fortes dans la vie culturelle française. Ce paradoxe est la marque de ces années charnières. Dans le même temps, la webculture a profondément changé les conditions d’accès au monde des arts, en le rendant plus visible. Tandis que des artistes présents dans le paysage culturel français depuis des décennies, comme Henri Salvador ou Charles Aznavour, sont intronisés au panthéon du patrimoine national, c’est toute une jeune génération qui émerge désormais. La télévision offre une visibilité aux humoristes comme Fabrice Éboué, Thomas N’Gijol ou Omar Sy. La scène musicale consacre des artistes comme Amel Bent ou le groupe 113, Bisso Na Bissau, Mafia K’1 Fry, Sexion d’Assaut, Booba, Soprano… Le Trio Joubran se classe en tête des ventes de disques dans la catégorie « musiques du monde » et le trompettiste Ibrahim Maalouf s’impose comme un musicien au son unique. En 2007, comme un hommage aux générations précédentes, Mouss et Hakim (du groupe Zebda) sortent l’album Origines contrôlées, composé de reprises de chansons de l’immigration algérienne.
Au cinéma, le tournant est incarné par Indigènes, le film de Rachid Bouchareb (2006), qui vient notamment consacrer les talents des acteurs Sami Bouajila, Jamel Debbouze, Samy Naceri et Roschdy Zem, tout en venant questionner la France sur son passé colonial. Le théâtre n’est pas en reste et ce sont, notamment, les débuts de l’aventure de la Chapelle du Verbe Incarné en Avignon, un espace dévolu aux créations des outre-mer. Du côté des arts plastiques, la jeune génération se saisit des réalités des immigrations. Une artiste comme Zineb Sedira aborde ainsi, avec la vidéo Mother, Father and I (2003), la question du dialogue avec les parents, quand Kader Attia s’interroge sur la difficulté pour les jeunes Français d’origine étrangère de se situer dans la culture française contemporaine. En 2003, le musée du Jeu de Paume rend hommage au peintre de la symbiose entre l’Occident et l’Orient, Zao Wou-Ki, une figure du Paris des arts. Enfin, les mémoires immigrées prennent peu à peu place dans le récit national, grâce à l’ouverture de lieux qui s’attachent désormais à la connaissance des cultures et de l’histoire des migrations et des autres cultures, comme avec la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (2007) ou le musée du quai Branly (2008).
